« Tout s’est ralenti
tellement
 
ça se rétracte
feuille comme peau
chair de poules
 
petits matins »
Antoine Emaz – Entre
 

Vivre chaque jour comme le dernier, vous l’a-t-on déjà transmis? C’est à peu de choses près, ça. Les jolies matinées, les douces tendresses du réveil, profiter, sourire, aimer. Oui, tout ça, mais à peu près seulement, pas tout à fait.

Parce que vivre chaque jour comme le dernier est trop intense pour être supporté au quotidien. Comment peut-on, avec cette réalité crue que ce peut, effectivement, être le dernier matin de notre vie, se lever, aimer tout le monde (ou tenter l’approche de la haine, soit) et se coucher en pensant qu’on a bien géré notre journée. En outre, si il m’arrive de me lever en me disant cela ainsi (honnêtement, c’est arrivé quoi, 2 fois?) et bien, je me couche en n’y pensant absolument plus. Une foutaise, l’idée qu’on doit ou que l’on peut? …

Alors quoi? Petits matins, ne signifient pas grosses douleurs, ni de ténébreux présages, ni même mauvaise humeur, non. C’est petit, c’est le matin, je préfère donc me taire, écouter.

Un petit matin, dans mes yeux de jais, c’est un matin où la réalité se déverse en torrent sur mon âme.

Un matin, deux matins, trois matins … ça peut durer jusqu’à ce que mon esprit rebellé décide d’inhiber ces réalités pour qu’elles glissent en poussière entre mes doigts. Pas le temps pour être oppressée par la réalité crue et la maladresse du non-sens et des non-dits. L’ennui est que la roue tourne, comme un cercle continu, et, bien sûr, tôt ou tard, quelque chose, ou quelqu’un, ou simplement trois fois rien, la ramènera sur ma route.

Attendre et ne rien vivre alors? NON. Non, non, évidemment non. Mais vivre, vivre plutôt chaque jour comme le premier, ouvrir les yeux à de nouvelles découvertes, chaque parent n’a-t-il pas réappris l’émerveillement devant une coccinelle, un beau jour de printemps, d’un bonhomme en culotte-courte de moins de deux ans, tenant à peine debout. Sacrés leçons d’humilité, ces bambins. Et, à force, on oublie à nouveau…

Pourtant, c’est là. A cajoler et glisser contre sa peau, faire tournoyer dans la lumière en scintillements étranges et rattraper contre soi, les yeux ouverts, étincelants, les touts petits riens emplis de vie des touts premiers matins…

Chaque jour, comme le premier, en glissant délicatement sur les jours ralentis qui se promènent en nos vies.

Chaque matin mérite bien son lot divin, chaque matin, un nouveau souffle. Je sais que je mourrai, ce soir, demain, plus tard, … qu’importe?

Chaque matin, sur un tapis de mousse rempli de rosée, au coeur de l’été, abreuver son coeur aux sources claires de nos plaisirs et bonheurs acharnés, pour retrouver le goût des pupilles dilatées, ouvertures perpétuelles sur notre monde fané et tellement ralenti en certaines matinée. Chaque matin, une nouvelle aurore à vivre intensément, être soi, sans dénigrer demain, mais en ouvrant la spirale de nos vies sur les insignifiants détails qui forment, la plupart du temps, l’énergie du sourire, la capter devrait être une priorité.

Petits matins, tendres câlins.